L’ancienne gloire de football guinéen Abdoul Karim Bangoura ‘’AKB’’ pour les intimes a ressassé son vécu en tant que joueur puis reconverti en agent joueur. Dans un entretien accordé à votre rédaction , celui qui a marqué le football guinéen avec la génération dorée est revenu sur ses débuts dans le football, les souvenirs qui l’ont marqué tant bien que mal et sa vie après sa carrière le tout dans un entretien que vous retrouverez ci-dessous.
Bonjour Abdoul Karim Bangoura!
-Abdoul Karim Bangoura : Bonjour
Abdoul Karim Bangoura est une ancienne gloire du football guinéen qui fait partie de la génération dorée qui a marqué les esprits, dites nous pour commencer quels ont été vos débuts dans ce sport ?
-Abdoul Karim Bangoura : Merci de me rappeler de notre passé. J’ai commencé le football comme tout jeune guinéen qui aime le sport c’est-à-dire dans la rue. Après l’école on s’amusait à jouer avec des amis dans la rue, dans les cours de l’école et arriver à la maison on jouait sur du goudron. A l’époque y’avait pas trop d’espace pour jouer au football c’était le football de la rue.
Ensuite j’ai été repéré par un de nos ainés un ancien international en la personne de M’Baye Dour qui était notre ainé dans le quartier j’ai joué dans son équipe avant d’être repéré par feu Naby Dias Camara que je considère comme un des meilleurs formateurs de notre football. Il n’avait pas fait de grandes études mais il avait un don de former des jeunes comme ceux de notre génération je veux parler de Salam Sow, de Titi Camara, d’Edgar Babara Sylla de Morlaye Soumah Kolovati j’en passe…
C’est à partir de son équipe qu’on nous a sélectionnés pour représenter la Guinée à la coupe du monde cadette en Chine en 1985 dont j’étais le capitaine. C’est là ou on est tombé sur une autre personne qui est aussi un international le seul ballon d’or guinéen Chérif Souleymane qui a été notre entraineur pour participer à la première coupe du monde des cadets en Chine à l’issue de laquelle on a fini 4e on a perdu en demie finale contre le Nigéria qui a remporté la coupe.
Quand on est revenu on nous invités à un tournoi à Lyon c’est dans la banlieue lyonnaise c’est là ou je me suis fait repérer par des clubs mais vue qu’on était avec l’équipe nationale je ne pouvais pas rester il fallait revenir à Conakry après repartir en France. J’avais 2 oncles en France un à Paris et l’autre était à Marseille. On est allé à Marseille Hidalgo était à l’époque un des responsables de l’OM, au bout d’une semaine Gérard Gyli voulait me garder mais ils n’avaient pas de centre de formation ils avaient plutôt une maison ou logeaient les joueurs en formation. On m’a proposé un contrat de 7 ans mais moi j’ai trouvé ça très long. Finalement on m’a bien expliqué le contenu, c’était un an aspirant, 3ans stagiaire et 3ans professionnel.
A Bastia dès ma première année j’ai joué en ligue 2 mais vue que je ne voulais pas rester seul je ne m’y plaisais pas tellement moi qui venait dans un endroit ou on ne parlait pas une autre langue ou il y’avait pas d’africain y’avait pas de Guinéen j’ai demandé au club de me trouver un compagnon le club a appuyé c’est ainsi que le club m’a dit qu’un autre guinéen peut venir auprès de moi c’est là ou je leur ai parlé de Morlaye Soumah Kolovati qui par bonheur a fait une bonne carrière que moi làbà 7ans capitaine dans un club européen cela n’est pas donné à n’importe qui.
Un an après ils ont demandé si on pouvait faire venir un guinéen qui a 2ans de moins que nous c’est là ou on a parlé aussi de Ousmane Soumah qui était un excentré qui est venu ainsi de suite c’est comme ça que la filière guinéenne s’est créée làbà aussi. Après en 1993 quand la tribune est tombée làbà moi j’ai été blessé j’avais des béquilles j’étais convalescent à cette époque là. Après cette année, mon entraineur à l’époque avait signé à Martigues en ligue 1 saison 1994-1995 ils m’ont recruté en décembre comme joker donc j’ai fait 3ans à Martigues avant de partir ensuite à Karlaya en Angleterre en ligue 3 à l’époque. Labà aussi j’ai fait 3ans j’ai arrêté parce que j’avais eu des problèmes avec les deux genoux je ne voulais pas à chaque fois repartir avec des clubs de ligue 3 j’ai préféré arrêter que de continuer à galérer. C’était compliqué puisque j’ai arrêté avant tous les autres avant mes amis de génération.
Aujourd’hui, quels sont les bons et mauvais souvenirs que vous gardez encore de votre carrière de footballeur ?
-Abdoul Karim Bangoura : Le fait d’être blessé aux genoux parce que quand on est blessé on ne peut rien faire on ne peut pas se battre c’est ça je peux garder comme mauvais souvenir mais si non honnêtement je peux dire que je n’ai certes pas fait une grande carrière mais je suis fière de ce que j’ai accompli parce que ce n’était pas évident à l’époque de voir 3 guinéens jouer en ligue 1 à Martigues par exemple quand j’étais labà j’ai fait venir des copains comme Salam Sow, Socrates j’ai facilité leur arrivée.
En même temps on était ensemble en équipe nationale après avoir fait plus de 80 sélections. Quand j’ai arrêté j’étais le premier à être surpris le football ne m’a pas manqué mentalement j’étais prêt à ça à part l’ambiance dans les regroupements le football ne m’a jamais manqué.
Abdoul Karim Bangoura appartient aujourd’hui à la génération du passé, dites nous comment vous voyez celle de maintenant ?
-Abdoul Karim Bangoura : C’est différent. Je ne peux pas dire qu’on est les meilleurs ou les mieux disciplinés mais c’est différent. Le monde évolue aussi avant à notre époque on ne parlait pas d’internet de facebook par exemple quand on était au mis au vert tu avais ton walk-man vous jouiez aux cartes mais aujourd’hui les joueurs ont beaucoup de choses pour occuper leur temps. C’est très différent on ne parle même pas du coté financier. Moi mon salaire à Martigues à l’époque équivaut aujourd’hui à ce que tu gagnes quand tu signes ton premier contrat, j’avais 5.000 Euros tu as ça aujourd’hui et tout change l’environnement la société tout change. Quand les joueurs viennent en sélection on leur demande juste de se comporter comme ils le font dans leur club respectif s’ils font ça au niveau discipline rigueur ; c’est des garçons qui ont du talent on aura des bons résultats, corriger améliorer notre coté logistique on ira très loin dans notre football.
Aujourd’hui beaucoup d’anciens joueurs connaissent une fin de carrière tragique, vous ,vous êtes le conseiller personnel du président Antonio Souaré, comment AKB mène sa vie après le terrain ?
-Abdoul Karim Bangoura : Quand j’étais joueur j’ai aidé pas mal de copains à être des footballeurs professionnels c’était peut être ma voie sans le savoir. Après j’ai passé ma licence d’agent de joueur, je suis devenu agent de joueur par le conseil de notre ami Jorge Wéah. Un jour il m’a dit Abdoul que de faire les choses de façon officieuse il faut passer ta licence j’avais participé à sa signature à Marseille ou j’habitais. Il avait fait ça pour m’aider comme ça je suis tranquille. Suite à ça j’ai fait venir pas mal de joueur en Europe dont Demba Camara, Issiaga Sylla, le joueur africain le plus chère Naby Keita Déco tant d’autres. C’est comme ça petit à petit la mayonnaise a pris les clubs m’ont fait confiance. Aujourd’hui autour de moi c’est des amis des copains des adversaires donc on se connait forcement quand tu les appelles pour un joueur ils t’écoutent favorablement car ils savent comment tu fonctionnes. Voici en gros comment j’ai organisé ma vie entre l’Afrique et l’Europe on se déplace dans d’autres pays avec des associés pour donner la chance aux autres talents.
On va à présent évoquer les relations entre Jorge Weah et vous, il se dit que c’est vous qui l’avez encouragé à s’investir dans la politique et en cas de victoire de celui ci à la tète du Libéria AKB va déménager auprès de son ami ?
-Abdoul Karim Bangoura : Ce n’est pas moi personnellement qui l’ai convaincu de se lancer dans la politique parce que moi-même je ne suis pas dans la politique mais je savais de toute façon qu’un jour il allait faire de la politique avec l’ora qu’il a dans son pays. Un jour il m’a appelé pour me dire que la population de Monrovia est sortie dans la rue pour lui demander à ce qu’il soit leur leader. Il m’a demandé d’essayer d’échanger avec sa femme pour la convaincre c’est ainsi que j’ai pris l’avion pour la trouver à Miami.
Jorge est un ami quand je devais me marier il a fait 17H de vol pour venir assister à mon mariage ça il ne faut pas l’oublier. Quand il a signé à Marseille il était dans un hôtel de luxe 5 étoiles, il est venu chez moi me rendre visite pour dire bonjour à Madame et quand on est venu on est resté le temps filait je lui ai dit de le raccompagner à l’hôtel, il a dit qu’il ne retourne plus à l’hôtel d’envoyer un taxi pour chercher ses affaires que lui il préfère rester à la maison chez moi ça m’a beaucoup marqué. On est resté 1 mois chez moi le temps de lui trouver une villa parce qu’il était seul il avait laissé sa femme et ses enfants après on a fait venir sa sœur pour s’occuper de sa restauration à la maison. Quelqu’un qui pouvait rester dans un hôtel de luxe, quand il vient chez toi c’est beaucoup.
La 3e chose qui m’a aussi marqué chez lui, quand il rentrait il m’a aussi confié son fils qui a aujourd’hui 30 ans Thiam Jorge Wéah Junior qui était à l’époque au centre à Milan. Il voulait le faire rentrer mais vue que moi je suis à Marseille c’était 4H de route en voiture, quand il m’en a parlé je lui ai dit que je pouvais m’en occuper avec madame et à chaque fois on faisait des allers et retours pour voir le petit qui avait 16 ans. C’est toutes ces choses qui font qu’on a tissé des liens je sais qu’une fois président il va vraiment aider son pays car il a donné aux autres tout ce qu’il gagné.
Moi je ne suis pas libérien, je suis guinéen et fière de l’être ce coté rien ne changera je suis à la disposition du président Antonio Souaré. Quand votre parent ou ami devient président, la fonction amène d’autres priorités mais cela ne changera rien de mon programme pour la Guinée.
Votre vécu avec Jorge Wéah est très émouvant mais est ce que la proximité avec votre ami ne va pas vous faire nourrir des ambitions politiques dans le future?
-Abdoul Karim Bangoura : Moi je ne suis pas politicien, pour l’instant ça ne m’intéresse pas. J’aime des leaders style Thomas Sankhara, Séckou Touré dans les discours. En 2010 j’ai été approché par des politiques y’en a qui sont venus à la maison ma belle mère était partisane d’un des partis leur leader était venu mais par respect j’ai repoussé leur proposition. La politique c’est la dernière chose à laquelle je pense moi c’est le football le reste on verra bien.
Comment est ce qu’un joueur professionnel peut préparer sa fin de carrière ?
-Abdoul Karim Bangoura : Moi je pense que le joueur doit y penser si il ne pense pas son entourage direct doit y penser. Il ne faut pas oublier que c’est quand on joue qu’on prépare sa fin de carrière. Aujourd’hui c’est des garçons qui gagnent beaucoup d’argent mais si cet argent n’est pas bien géré ils vont tout perdre en peu de temps. On a vu des exemples avec Assama Gyan qui investi dans le business pour moi c’est un modèle de réussite. Quand tu vois des choses comme ça tu as envie que des compatriotes guinéens font la même chose mais quand le joueur compte seulement sur son salaire il ne fait pas de placement et il n’y pas de personne qui l’aide pour les études. En général c’est des garçons qui arrêtent tout même les études. A 19 ou 20 ans tu passes professionnel alors que c’est la période ou tu dois être à l’université donc c’est un choix mais le football peut t’aider à faire de bonnes études comme Jorge l’a fait.
C’est après 2005 il est retourné à l’université pour passer ses diplômes. Mais faudrait-il que le joueur soit conscient de ça et qu’il ait la volonté de le faire mais sans ça ca devient compliquer. Tout est facile quand tu joues quand tu vas dans un magasin au lieu d’acheter on t’offre dans le restaurant c’est pareil alors que tu as l’argent c’est tout ça qui s’arrête quand tu arrêtes le football. Nos joueurs doivent comprendre que l’argent qu’ils gagnent ils doivent faire très attention parce que quand tu gagnes il ya beaucoup d’amis et quand tu ne joues plus tu ne gagnes plus d’argent c’est les mêmes personnes qui te fuient et ça fait très mal tu perds tes repères et ça amène à la catastrophe.
Pour finir notre entretien AKB parlons à présent de votre protégé Naby Keita Déco qui voit le rouge à chaque match. 3 cartons rouges et 3 cartons jaunes en clubs, 1 carton rouge en sélection depuis l’accord trouvé entre Liverpool et Leipzig comment vous analysez tout cela ?
-Abdoul Karim Bangoura : Non c’était mon protégé avant pas maintenant on travaillait ensemble avant mais il a d’autres représentants maintenant. Pour répondre à votre question je pense que beaucoup d’éléments entre en jeux. Il a atteint un statut aujourd’hui qu’il doit lui-même respecter car il n’est plus le Naby Keita ordinaire. Naby Keita d’aujourd’hui incarne un autre regard envers lui que ce soit avec les journalistes, les spectateurs, donc lui il doit s’adapter à ce statut maintenant au niveau comportemental, au niveau émotionnel. Il a atteint un niveau où on lui demandera toujours plus et on va le provoquer plus, tout va être plus. Donc si lui on ne lui rappelle pas à chaque fois qu’il doit faire attention il va tomber dans ces pièges par excès d’engagement en voulant trop bien faire ou un adversaire est venu le bousculer en voulant répondre alors qu’il ne doit pas répondre. Moi je dirais même que le plus dure commence pour lui parce qu’il n’a jamais connu ça. S’il arrive à contrôler ses nerfs il pourra progresser et donner le meilleur de lui-même parce qu’il jouera tout le temps. L’entourage aussi doit jouer son rôle en lui répétant tout le temps et que lui-même il se dit qu’il doit faire très attention à tous les niveaux. Je ne me fais pas de soucis pour lui car je sais que c’est un garçon très intelligent il va s’en sortir pour le bonheur de sa famille, des supporters etc.….On aimerait qu’il aille le plus loin que possible.
-Merci AKB pour cette disponibilité
-Abdoul Karim Bangoura : C’est moi qui vous remercie.
Interview réalisée par Paul Tounkara