Les enfants maltraités ne sont pas que dans les rues. Ils sont aussi dans les familles. Chacun peut les voir en visitant des domiciles de bons guinéens dans les grandes villes. Ils sont faciles à décrire. Physiquement, ils se présentent comme les mal nourris des concessions. Et ils ne sont pas difficiles à rencontrer. Toujours présents dans les cours en train de faire la vaisselle, laver le linge et s’occuper de l’entretien des maisons. Ils ne sont pas comptés dans l’effectif de ceux qui doivent aller à l’école ou dans d’autres centres d’apprentissages. Quelqu’un doit parler pour eux.
Les organisations non gouvernementales doivent se battre pour qu’ils sortent de cet esclavage de moins en moins dénoncé. L’Etat y pense, sauf qu’il croit que ce rôle est suffisamment joué par le ministère de l’action sociale. Il faut peut-être lui dire de manière incessante que ce département n’est pas assez informé des réalités dans les communautés. Ce n’est peut-être pas de sa faute, le combat contre l’injustice ne peut se faire si les cadres employés à le faire sont les premiers violateurs des lois. L’autre réalité, qui ne semble plus nous échapper, c’est ce courage de certains pères et mères de familles à garder le silence sur certaines pratiques. Comme ils continuent de protéger les agresseurs sexuels.
Ce phénomène est à cerner. Il est la cause de plusieurs autres travers sociaux pour lesquels les décideurs politiques et organismes internationaux investissent beaucoup de fonds. Nous apprenons et ce n’est peut-être pas faux, qu’il existe depuis des années un réseau de recrutement des enfants en provenance de l’intérieur du pays. Il évolue dans l’informel, traite en revanche avec certaines agences spécialisées dans l’emploi et la gestion des travailleurs domestiques. Les parents des villages reculés de la capitale, n’ont aucune idée de ce que leurs enfants font ici, à Conakry et dans les grandes villes de l’intérieur. Les défenseurs des droits de l’homme et ceux qui disent défendre les enfants, sont invités à enquêter pour libérer ces enfants esclaves de leurs maîtres guinéens.
Le ridicule, c’est d’imaginer et même de croire, que les mêmes esclavagistes du 21ème siècle participent aux colloques internationaux et tiennent de brillants discours sur les droits des enfants. L’esclavage est aboli en tous cas dans sa forme du 15ème au 18ème siècle. Certains pays africains ne l’ont pas encore abandonné, nous n’aimerions pas dire que la Guinée en fait partie.
Et lorsque les américains condamnent un couple guinéen pour des faits similaires, nous sommes tous interpellés. Chacun est libre de douter de la bonne foi de l’accusatrice du couple Touré, ou d’émettre un avis sur le système judiciaire américain. Mais dans l’ensemble nous devons garder à l’esprit que la pratique reprochée à nos deux compatriotes, est présente en Guinée. Il faut avoir le courage de le reconnaître pour qu’une simple volonté nous conduise à un véritable changement de comportement. Les enfants déscolarisés volontairement, envoyés dans les marchés pour vendre et mendier, torturés au quotidien, pourront ainsi bénéficier de l’amour de leurs familles d’accueils. Ces familles choisiront de construire pour eux un véritable avenir à l’image de celui qu’elles réservent à leurs propres enfants.